L’AFRIQUE face à elle-même !
Et si les victimes des exactions belges au Congo se déclaraient ?
La Belgique qui souhaite rapidement juger Hissène Habré serait plus
crédible et digne, si elle s’offusquait de la même manière et exigeait
avec la même verve, que les responsables belges soient jugés en Afrique
ou ailleurs pour les exactions commises par ce pays au Congo, nous
pensons aussi à l’assassinat de Lumumba Patrice. Nous rappelons ici que
le Belge Gérard Soete (81 ans aujourd’hui) a avoué avoir dissout dans
de l’acide, le corps du leader congolais avec la bénédiction de son
pays la Belgique.
Mais le point d’orgue de cette affaire est de redonner un peu de
crédibilité aux pouvoirs africains. Les dirigeants africains dont l’une
des caractéristiques est de ne pas être l’émanation du choix du peuple
et par conséquent usent de la répression pour asseoir leur
autorité sont face à l’Histoire. Et ils ne pourront y rentrer que s’ils
se décident à laisser juger Hissène Habré sans l’intervention de
l’Europe. Mais laisser juger Hissène Habré n’est-il pas ouvrir la porte
à son propre jugement ? Telle est l’équation à résoudre pour des
dictateurs, pris au piège de leur jeu de soumission et complicités
nocives pour le compte de leurs comptes en banques.
Cette Belgique qui aujourd’hui presse le Sénégal, comme d’autres
pays européens, doit des comptes aux africains sur un tas de choses
dont des affaires de crimes.
Mais les dirigeants africains, bras armés des puissances
industrielles européennes pourront-ils cet exercice d’équilibrisme de
haute voltige en toute franchise sans fragiliser leurs strapontins
présidentiels ? En n’ont-ils le courage seulement ? Durs instants de
réflexion dans les palais africains. Comment juger un des leurs sans se
projeter dans l’optique de se voir juger ?
Il est de bon aloi, en Afrique d’avoir recours aux bons offices de
l’Europe pour régler les problèmes internes qui se posent aux africains
et dont les solutions ne devraient pourtant venir que des seuls
africains ; comme cette persistante tendance occidentale qui consiste à
s’ingérer dans les affaires africaines sans crier garde. De même qu’il
est de bon ton, pour les africains de montrer une outrageante aboulie
lorsqu’il s’agit de réclamer des comptes à cette même Europe qui ne lui
fait pas que du bien et encore, pendant que cette dernière s’emploie à
dissimuler et couvrir d’une chape de plombs ses exactions en Afrique
pour éviter de répondre de ces actes. Rappelons une fois de plus, cette
vérité que nous refusons pour certains d’admettre, celle que Achille
Mbémbé décline par : « L’Afrique se sauvera par ses propres forces ou
elle périra. Personne ne la sauvera à sa place, et c’est bien ainsi. »
Les bras armés des puissances occidentales en Afrique devront se rendre
à l’évidence un jour ou l’autre.
Que Hissène Habré soit jugé pour des crimes qu’il a commis, cela ne
souffre pour un esprit logique, d’aucun doute. Tout comme cette même
logique n’autorise aucun angélisme quant à la volonté des dirigeants ou
certains dirigeants africains à voir l’ex président tchadien être jugé
et condamné pour ses forfaits. Et la raison en est simple, Hissène
Habré à côté de certains serait même un Ange. Donc le voir condamner
c’est accepter se condamner. Mais ce dont il est question est, si
l’Afrique n’a-t-elle pas le droit, ou des arguments valables et
recevables pour, comme le fait la Belgique, poser les mêmes exigences
vis-à-vis des ex dirigeants ou dirigeants actuels européens, impliqués
dans des crimes et exactions qui ont touchés des africains en Afrique
ou ailleurs ? Pourquoi ceux des africains qui mettent en avant la
dignité de l’Afrique à faire juger Hissène Habré, ne mettent-ils pas le
même entrain à exiger des comptes aux dirigeants européens impliqués
dans des crimes commis sur des africains ? Que nenni ! Les peuples
africains sont condamnés par les fourvoiements tous azimuts des
dirigeants africains qui les poussent à ne rien pouvoir exiger des
puissances européennes dont les dirigeants seraient également de très
bons candidats aux tribunaux pénaux internationaux. Mais la raison du
plus fort à raison de la souffrance des victimes par le truchement des
compromissions multiples.
On peut, à juste titre d’ailleurs, fort de ce qui précède que le
pouvoir sénégalais, en se montrant « frileux » pour emprunter
l’expression aux défenseurs du procès de Hissène Habré par la justice
belge, se protège lui-même et pose définitivement une idée qui suit
lentement mais surement son chemin en Afrique, l’impunité des
dirigeants africains. Nous avouons ici ne pas connaître les raisons qui
motivent le pouvoir sénégalais à adopter la posture qui lui est
aujourd’hui reprochée ; exiger la totalité des sommes pour la tenue du
procès au Sénégal. Mais il faut plutôt regretter l’attitude de l’U.A à
ne pas s’impliquer davantage dans ce dossier. Espérons que le nouveau
président de cette entité saura surfer entre l’indépendance de
l’Afrique et les exigences de plus de justice et de respect pour le
peule, préalables d’une Afrique qui pourra sans complexes, demander des
comptes à l’Europe. Car la Belgique, dont certaines victimes ou
familles de victimes de Hissène Habré sont devenues ressortissants
entretemps, avec l’aide de l’U.E, pourra se saisir de l’affaire pour
une fois de plus ridiculiser l’Afrique toute entière, parce que ses
dirigeants se seraient montrés incapables. On l’a vu avec le Rwanda, où
la France était juge et partie, pendant que la Belgique accusait sa
voisine pourtant.
Une affaire qui devrait servir à l’U.A face aux injonctions et
exigences de la Belgique, et très souvent de l’U.E dès qu’il s’agit du
continent, de faire valoir ses droits dans des affaires de crimes dont
on sait qu’il n’existe plus prescription en la matière.
Nous pensons à l’assassinat Lumumba Patrice dont l’ancien
commissaire Gérard Soete a avoué noyer le corps dans l’acide avec la
bénédiction de ses dirigeants. Faire place à la vérité sur l’assassinat
de Thomas Sankara et les complicités des uns et des autres, Le génocide
rwandais pour ne citer que celles-là.
Tant que les dirigeants africains dont on sait que se confronter à
tel exercice : juger un des leurs sans avoir l’impression d’assister à
leur futur jugement, est se tirer une balle dans le pied, car synonyme
de perte de leurs privilèges, ne se résoudront pas à faire de la
lumière dans des affaires qui ternissent l’image des africains alors
l’Afrique restera l’objet de risée. Mais seulement, malgré leurs
roublardises, ils resteront somme toute eux-aussi, des proies faciles
pour les tribunaux pénaux internationaux qui se sont spécialisés pour
juger les africains et certains hommes avec peu d’influences. Services
rendus ou pas ! Le cas Saddam Hussein doit le leur rappeler.
Le procès de Hissène Habré est une occasion pour les dirigeants
africains de rentrer dans l’histoire et ouvrir les portes de
l’indépendance à une Afrique muselée par les puissances occidentales
avec les complicités africaines. Ces dirigeants ont avec cette affaire
l’occasion de construire à l’image de ce que rappelait le président
Obama lors de son discours d’investiture « sachez que vos peuples vous
jugeront sur ce que vous pouvez construire, pas détruire. »
Source: CamerounLink ici