"Sanctuaire de la déprédation et du pillage ou mode d'expression
Les fastes de la cérémonie de deuil et la beauté du cercueil peuvent-elles faire oublier le crime commis ? Réussiront- ils à dissiper la pestilence et effacer les stigmates de violence qui se dégagent du macchabée ?
Tels semblent être le leitmotiv et le pari des initiateurs du musée du quai Branly qui,une fois de plus,tenteront de nettoyer et de noyer la macule de l’horreur dans les fastes et les paillettes.Le prédateur, une fois de plus, s’enrichira sur le dos de ses proies rappelant cette formule encore plus vrai aujourd’hui qu’hier de René Maran dans la préface de BATOUALA :"Civilisation, civilisation, orgueil des Européens et leur charnier d’innocents, tu bâtis ton royaume sur des cadavres. Tu es la force qui prime le droit, tu n’es pas un flambeau mais un incendie". L’argent n’a pas d’odeur et sa saveur n’est pas fonction de sa provenance, telle est la devise.
Pour la plupart d’entre-nous, nous avons le devoir de ne pas oublier que la plus grande partie de ce qui va être exposé dans ce sanctuaire de la destruction, de l’extermination, est la conséquence de l’horreur, horreur que devaient subir les propriétaires spoliés de ces contrées lointaines ; horreur qui avait pour nom : déprédation, humiliation, meurtre, pillage, viol, vol. Tous ces forfaits commis au nom de la supériorité d’une culture sur les autres. Raison pour laquelle,lorsque Pablo Picasso se livre à un pillage intellectuel de ces "objets", on en fait le plus grand génie de l’art et l’on relègue aux rangs du quelconque, les vrais auteurs ainsi doublement pillés.
Comme la plupart des musées où sont exposés des œuvres d’expression non occidentale, le quai Branly porte la souillure du sang versé, quelle que soit la splendeur du maquillage, le scintillement . Et nous ne devons pas perdre de vue que ce résultat n’est que la falsification d’une lugubre et macabre opération de destruction d’autres cultures. A cet éblouissement physique ne cédons pas à la suite logique qui est l’éblouissement mental et intellectuel.
D’aucuns parlent de l’art primitif, d’autres de l’art premier, d’autres encore d’objets d’art. Mais que d’expressions, pour une vérité connue depuis des lustres : l’incapacité d’autres cultures à l’art, seul apanage de l’occident.
On nous dit que cette fois ce n’est point pour mettre en exergue le génie occidental, mais laisser s’exprimer le non occidental. Nous obtenons enfin un aveu de ce forfait longtemps dissimulé. Noble dessein que celui-ci mais seulement il porte la marque de l’humiliation, de la violence et les cris de cette violence, nous l’entendons encore aujourd’hui, les larmes et les marques de cette violence sont visibles sur ces œuvres. Et ceci doit choquer notre indifférence, car c’est tuer une fois de plus.
Alors pourquoi ne pas renvoyer ces expressions dans leur milieu « originel » et les laisser s’exprimer pour des générations qui ne les connaissent pas ? En quoi sont-elles plus utiles aux Parisiens et autres bourgeois Occidentaux qu’aux Africains ou Aborigènes à qui tout ceci a été pris sans leur consentement ?