MAMADOU COULIBALY Répond à SARKOZY
J'évoque
toujours ici le président GBAGBO comme étant l'une des résistances africaines
que d'autres dirigeants africains et que la jeunesse africaine devraient suivre. Mais derrière le président
ivoirien se cache un stratège, un fin combattant qui, dans un excellent bouquin
que je recommande à cette même jeunesse africaine, a dénoncé les pseudos accords que la France a coutume d'invoquer
pour justifier son pillage de l'Afrique.
D'ailleurs je ne résiste pas à l'envie de vous donner sa citation que j'ai
faite mienne et dans laquelle il prévient l'hexagone et ses manoeuvres d'un autre temps en Afrique.
"Mais la France doit également avoir
à l’esprit qu’avec la prise de conscience du peuple de Côte d’Ivoire, et sa
maturité politique de 2005, débarrassée des complexes du colonisé des années 60,
aucune démarche de passage en force, même par voie diplomatique, ne peut
constituer une solution durable à la complexe situation qui est le résultat de
la volonté de Paris de mettre au pas la Côte d'ivoire. La jeunesse de Côte d’Ivoire est à l’image de
celle du Togo, du Bénin, du Mali, du Burkina, du Sénégal, du Gabon, du
Cameroun, du Congo et de tous les pays colonisés en Afrique par la France. Les
aspirations de ces jeunes sont les mêmes, et le grondement est identique d’un
bout à l’autre de l’Afrique. Jouer à la sourde oreille, ou vivre dans la
chimère de la certitude de pouvoir tout contrôler comme dans les années 60, est
pour la France Jouer à la sourde oreille, ou vivre dans la
chimère de la certitude de pouvoir tout contrôler comme dans les années 60, est
pour la France et pour
nos dirigeants africains actuels, un risque considérable dont les conséquences
sont aujourd’hui difficiles à mesurer."
Le président de la République française est venu, comme de Gaulle et il
a parlé aux Africains. Qu’a-t-il dit au juste ? Il nous a fait une
série de propositions et d’analyses. Écoutons-le :
«Ce que la France veut faire
avec l’Afrique, c’est une alliance, c’est l’alliance de la jeunesse
française et de la jeunesse africaine pour que le monde de demain soit
un meilleur monde».
Le nom de cette alliance est Eurafrique.
La France s’est mariée à l’Europe et nous vous apportons cette Europe
de même que nous vous apportons à l’Europe. L’Afrique sera dans la
corbeille de mariage de la France avec l’Europe et dans la corbeille de
l’Europe avec le monde. Je suis venu vous proposer une place, comme la
France sait le faire habituellement. Souvenez-vous par exemple des DOM
TOM.
Mais comme vous le savez, l’Afrique est très différentiée. Il y a l’Afrique du Nord. Et il y a l’Afrique noire.
En Libye, donc en Afrique du Nord, où je suis passé, j’ai signé des
contrats juteux d’exploitation de centrales nucléaires et d’uranium.
Des contrats portant sur la défense et autres affaires hautement
stratégiques pour mon pays. Avec l’Afrique du Nord, on ne parle ni de
morale, ni de développement. On ne donne pas de leçons mais on passe
des contrats. On ne lance pas d’appels aux Libyens de l’étranger pour
leur retour dans leur pays. On ne fait pas de promesses d’aides
publiques françaises à la Libye. On parle affaires. Des contrats, des
contrats et encore des contrats. Sur l’uranium, sur la défense, sur le
nucléaire. Trade not aid, telle est notre règle.
Avec l’Afrique noire, avec vous, que dire ?
Je vous ai fait mal, mes bébés.
Hum ! N’en parlons plus.
Mais ne me demandez surtout pas de repentance, puisque vous-mêmes, vous
êtes coupables de vous être laissés battre par mes ancêtres. En plus,
quand mes ancêtres arrivaient chez vous, vous vous décimiez vous-mêmes
déjà sans notre aide. Vous êtes plus coupables que nous.
Nous avons commis des crimes contre l’Humanité. Oui, mais vous n’avez
rien fait pour nous empêcher. En tout cas pas suffisamment pour nous
convaincre que ce que nous avions l’intention de faire était criminel.
Vous êtes coupables de non assistance à personne dangereuse et
d’assassinat de caractères.
Ne rêvez surtout pas à un retour en arrière pour rejoindre votre
prétendu âge d’or qui aurait existé dans le passé. Vous n’avez jamais
eu d’âge d’or. N’en rêvez pas. Le monde ne marche pas à reculons mais
progresse vers l’avenir. L’histoire a un sens. La colonisation a été un
crime contre l’humanité, mais mes parents ont proposé aux vôtres
l’indépendance, qu’ils ont acceptée.
La colonisation c’était l’exploitation de
l’homme par l’homme ; l’indépendance est exactement le contraire. Vos
historiens et autres anthropologues vous mentent. Je vous le dit ici à
vous, les jeunes d’Afrique, à l’Université Cheick Anta Diop.
Devant vos chefs.
Devant vos profs.
Devant votre classe politique, gouvernement et opposition réunis.
Devant vous étudiants, hommes de maintenant et hommes de demain.
Arrêtez de rêver d’un futur qui puisse être le vôtre, à vous tout seuls.
Maintenant, vous m’appartenez définitivement.
Arrêtez d’avoir la nostalgie d’un passé qui n’a jamais existé.
Je vous propose l’Eurafrique.
Vous entrez avec moi dans les bonnes grâces de l’Europe.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté l’Esclavage.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté la Colonisation.
Je vous apporte l’Europe comme hier je vous ai apporté l’Indépendance.
Je vous vois stupéfaits, n’est-ce pas ? Mais je vous apporte aussi les
moyens qui vous seront propres pour inventer, vous-mêmes, votre avenir.
Oubliez le passé.
Maintenant, vous ne serez plus seulement à la France, mais à l’Europe.
La France, c’est votre héritage occidental. La colonisation vous l’a apporté. Aid not trade. Telle est mon offre.
Ne vous coupez pas de cet héritage. La civilisation européenne vous appartient. A vous aussi.
Renoncez à la tentation de pureté comme nous le faisons en Europe.
Ne répondez pas au racisme de la France par le racisme.
Ne répondez pas à l’intolérance de la France par l’intolérance.
Je sais, je vous ai fait mal, mais laissez tomber.
Allons ensemble dans l’avenir.
Renoncez à la maladie de l’intelligence. Si vous voulez venir chez
nous, pas de problème, nous négocierons votre migration. Nous
déciderons ensemble, pour vous, comment vous viendrez.
Pas en citoyens libres, mais en immigrés.
Vous rêvez de la Renaissance africaine ? Pourquoi pas ! Après tout,
vous avez eu, semble-t-il, l’Egypte et d’autres brillantes
civilisations que mes ancêtres ont battues à plate couture et soumis
depuis des siècles. Oubliez le passé peu glorieux que vos ascendants
vous ont laissé.
Nous vous aiderons à la bâtir, cette renaissance, si tel est votre
désir. Commencez déjà par prendre notre civilisation comme héritage.
Vous voulez la liberté, la démocratie ? Bien. Mais savez-vous que
l’Europe est bâtie sur l’égalité, la justice, le droit, la liberté, la
démocratie et la libre propriété ?
Je vous apporte ces valeurs universelles.
Et n’allez pas chercher ailleurs.
Tout ce que vous voulez, commandez et je vous livre tout de suite.
Nous sommes généreux, nous vous aimons. Ce n’est pas de la pitié, mais c’est notre intérêt.
Ainsi nous a parlé Nicolas Sarkozy, le président de tous les Français.
Que lui dire ?
Merci Sarkozy.
Merci pour tes propositions.
Mais nous, on veut aller dans le monde par le marché et non sous la
protection de qui que ce soit. Nous connaissons le chemin.
Le monde, ce n’est pas que la France; le monde, ce n’est pas que
l’Europe. Le monde, c’est aussi l’Afrique, c’est aussi l’Amérique,
c’est aussi l’Asie. Le monde, c’est ailleurs. Nous voulons choisir
librement notre méthode d’y entrer, notre façon d’y participer. Ce
n’est pas par dégoût, mais c’est notre intérêt et rien que cela.
L’Eurafrique ? Très bien merci. Mais ça sera vraisemblablement comme par le passé.
Il y a déjà les sommets franco-africains.
Il y aura des sommets Eurafricains.
Il y aura une bureaucratie Eurafricaine, comme il y a celle des UE-ACP.
Nous n’avons plus du temps à perdre à négocier lors de sommets de Chefs d’Etat.
Nous allons directement sur les marchés librement avec nos besoins et nos moyens.
Nous ne voulons plus être marchés captifs de qui que ce soit.
Nous voulons redevenir libres. Il ne s’agit pas d’un retour à un
quelconque âge d’or. Il ne s’agit pas d’une option pour nous, mais de
notre survie.
Il s’agit d’être simplement des humains, de vivre comme tels et d’être traités comme tels.
Nous ne voulons pas de traitement de faveur.
Nous voulons avoir notre liberté de choix.
Nous voulons tirer profit des droits imprescriptibles que nous avons d’être propriétaires de nous-mêmes en tant qu’humains.
Nous voulons être libres dans la mondialisation, comme nous ne l’avons jamais été sur les marchés des esclaves.
Sur les marchés coloniaux.
Dans le pacte colonial.
Nous ne voulons pas aller sur les marchés mondiaux enchaînés par des
accords protectionnistes ; ni avec la France, ni avec l’Europe.
N’est-ce pas vous qui avez dit que l’Afrique ne comptait pas pour la France ?
N’est-ce pas vous qui dites aussi que le Niger, avec son uranium, compte énormément pour la France ?
Savez vous que le Niger est un pays d’Afrique ?
La duplicité de votre langage ne nous rassure guère. Vous parlez
d’amour là où le monde parle d’intérêt et d’intérêt là où le monde
parle d’amour.
Nous ne voulons plus de cette protection infantilisante qui vous donne le droit de vouloir:
Tout faire pour nous.
Tout faire avec nous.
Tout faire par nous.
Tout faire sans nous.
Et au bout du compte, tout faire contre nous.
Nous ne voulons plus des accords léonins qui, sous prétexte de vouloir nous aider, nous font plus de mal que de bien.
Nous voulons que Sarkozy
nous laisse faire,
nous laisse passer.
Nous voulons que la France
nous laisse faire,
nous laisse passer.
Nous voulons que l’Europe
nous laisse faire,
nous laisse passer.
Nous voulons que le monde nous accueille comme nous sommes, tels que
nous sommes et non comme la France veut que nous soyons ou que l’Europe
voudrait que nous soyons.
Nous connaissons le mode d’emploi de la mondialisation. Aucun épouvantail ne nous fera renoncer sur la route de la liberté.
L’Eurafrique ?
Pourquoi pas. Merci pour votre offre. Mais nous sommes déjà dans le
monde sous le couvert de l’Europe qui agit par procuration de la
France. Nous ne voulons pas de la mondialisation des servitudes. Nous
voulons celle des libertés. Nous voulons simplement :
De l’économie de marché.
De la société ouverte.
De la société de droit. Ni plus, ni moins.
Sarkozy pourrait-il nous aider dans ce sens ?
A nous libérez des accords précédents ?
Ceux des indépendances ?
Pour enfin nous libérer du carcan post colonial?
Nous ne voulons pas aller dans le monde comme hier nous sommes allés dans l’Europe, par la France.
Nous ne voulons pas de votre liberté en double standard, et sous surveillance.
Nous ne comprenons pas que nos avoirs extérieurs nets en devises soient
déposés au Trésor Public de chez vous. Nous ne comprenons pas que nous
soyons perçus comme des contribuables par l’Etat français, alors que
vous nous ressassez que la colonisation est terminée depuis belle
lurette ?
Nous ne voulons plus de vos accords de coopération qui ne règlent rien, mais qui pillent tout.
Nous voulons être libres de choisir nous-mêmes notre destin.
Libres de choisir nous-mêmes qui nous accompagnera et pour quoi.
Merci de votre sollicitude.
Tu veux que je décide librement ? Soit.
Mais je ne veux pas que tu sois là.
Tu veux que je décide librement ? Mais soit.
Je ne veux pas décider avec toi. Je veux décider seul.
Tu veux que ma volonté se réalise pleinement ? Oui, je le veux aussi.
Mais je ne veux pas réaliser mon destin avec toi. Je veux le faire moi-même, sans guide, ni parrain, ni gourou.
Tu veux t’associer avec moi ? Oui, mais ne me demande pas d’être
exclusivement à toi. D’être ta chose. Je veux être libre de m’associer
avec qui je veux et comme je le veux et quand je le veux.
La mondialisation telle qu’elle est faite
pour moi ne me plait pas. C’est vrai. Je veux la démocratie. Je veux le
droit. Je veux la justice. Je veux la propriété libre. Je veux la
liberté.
Mais je veux aussi la responsabilité.
Nous avons payé trop cher les mirages de la coopération franco-africaine depuis de longues années.
Cette coopération est étatiste.
Cette coopération est collectiviste.
Cette coopération est monopolistique.
Cette coopération est jacobine et rétrograde.
Je crois que l’échange libre est bénéfique et qu’il doit être la règle
de mon jeu dans la mondialisation. Je crois que la concurrence est un
moyen et qu’elle est mon meilleur atout pour réussir à m’enrichir et à
prospérer dans la mondialisation.
Les pires des prédateurs qui nous cachent de la mondialisation sont
ceux qui viennent s’apitoyer sur mon sort et me considérer comme un
grand naïf auquel ils proposent altruisme, protection, aide publique et
humanitaire, mais jamais de commerce responsable.
Le plus grand des prédateurs pour nous est celui qui nous rassemble
dans un enclos que l’on appelle le Pré carré, ou le Champ, et nous
propose de jouer soit au loup et à l’agneau, soit au renard dans le
poulailler.
Nous croyons que la liberté économique annonce et conditionne la liberté politique.
Nous croyons que les esclaves ne peuvent échanger que leurs chaînes.
Que le marché est le propre de l’homme. Que nous sommes des hommes et
que nous voulons échanger autre chose sur des marchés libres d’accès et
de sortie.
Nous croyons à l’économie de marché. Vous vous trompez à notre sujet lorsque vous affirmez le contraire.
Nous croyons au laisser faire et nous nous méfions de toutes les barrières à la concurrence.
Vous craignez l’immigration de la jeunesse africaine en France et en Europe ?
Vous avez tort.
L’immigration subie ou l’immigration choisie ?
Vous posez mal le débat.
L’immigration relève du droit individuel de circuler et est pour nous une des bases de la liberté que nous recherchons.
La France devrait se demander comment une telle liberté pour nous peut devenir un fléau social pour les Français ?
Pour nous, l’étranger a droit au respect de sa vie, de sa dignité et de sa propriété.
Mais nous savons et nous admettons que l’étranger ne peut avoir tous
les droits, car nous savons et admettons qu’il n’y a pas de droits sans
devoirs.
L’étranger doit se soumettre aux règles sociales de la société qui l’accueille.
Vous avez le sentiment que certains étrangers ne respectent pas les
règles de votre société et ont des comportements anormaux ?
Mais ce n’est pas notre faute à nous qui vivons ici dans les pays
d’origines de ces immigrés. Les repousser à vos frontières, contrôler
leur entrée et sortie de chez vous sont de fausses solutions coûteuses,
humiliantes et inefficaces.
Pour vous en sortir, laisser nous vous donner des conseils d’amis et d’alliés.
Abandonnez votre Etat-providence, car c’est lui qui attire l’immigré
que vous craignez. Les forces d’attraction de chez vous sont aussi
fortes que les forces de répulsion d’ici.
De nombreux immigrés apportent à la France leur travail, leur talent,
leur argent. Nombreux aussi sont ceux qui fuient les dictateurs et les
autres régimes liberticides que vous installez chez nous.
Mais les plus nombreux, ceux qui sont
supposés vous faire le plus de mal, sont ceux qui arrivent chez vous,
pour profiter comme de nombreux Français de souche, du parasitisme
offert par votre Etat-providence. Je présume que vous le savez déjà.
Ceux-là vont en France pour toucher des allocations, pour se livrer à
de petits et à de grands trafics, pour profiter des cadeaux qu’offre
l’Etat français à ses propres parasites.
Les places sont gratuites chez vous et elles rapportent plus que chez
nous car votre Etat-providence est plus généreux que les nôtres, et
plus riche aussi.
Nous croyons que par des relations de travail libre, par l’échange
marchand, par le libre échange entre la France et nous, l’immigration
trouvera solution. Or vous nous proposez de nous méfier du laissez
faire pour nous accrocher au protectionnisme offert par nos
Etats-providence rentiers, pâles copies du vôtre.
Nous voulons que les immigrés qui arrivent chez vous, vous donnent plus
qu’ils ne vous prennent, mais votre Etat-providence leur propose la
gratuité pour tout ce qu’ils peuvent avoir. Nous aimons la France pour
sa sécurité sociale. Elle nous épargne de faire de grands efforts
d’adaptation au monde moderne, d’éduquer correctement nos enfants qui y
naissent. Elle nous propose le RMI, les allocations logements, les
prestations familiales. Elle nous propose des revenus à peine
suffisants pour vivre de façon médiocre sans travailler chez vous. Mais
tout cela, vous le savez déjà.
Parmi vos immigrés qui viennent de chez nous
se trouvent les plus pauvres des immigrés, les plus mal éduqués, les
plus délinquants, les plus mal aimés, les plus mal logés.
Votre Etat-providence nous offre une couverture sociale complète dans
des ghettos, des foyers bruyants et violents que vous appelez «logements sociaux».
Les enfants d’immigrés africains vont dans des écoles où l’on n’apprend
presque plus rien, pas même la politesse et le savoir vivre français
que nous admirons de loin, nous qui sommes restés ici au pays. L’école
française ne leur apprend pas même la vertu du travail bien fait, pas
même le respect des autres.
Nous voulons commercer avec une société française compétitive. Mais
votre Etat nous propose des monopoles, des statuts figés, des services
publics, des entreprises protégées.
Les Africains de qualité comprennent de plus en plus que vivre chez
vous, sous la protection de l’Etat-providence les sclérose, ils vont
ailleurs pour être plus compétitifs et faire face aux enjeux du monde
actuel. Ça aussi vous avez du le constater.
Nous pensons que seules des relations marchandes entre la France et
l’Afrique révèleront les opportunités d’embauches en qualité et en
quantité chez vous comme chez nous. Mais vous semblez avoir peur du
marché libre.
Nous ne pensons pas qu’il
soit dans les prérogatives de l’Etat-providence de dire qui est
qualifié pour entrer et s’installer en France pour bénéficier des
droits sociaux. Nous croyons au partenariat direct entre les peuples,
entre les jeunes, entre les entreprises. Vous aimez plutôt les
rencontres au sommet.
Nous immigrons en grand nombre chez vous parce que notre vie ici, du
fait de votre protection bienveillante et providentielle est misérable.
Nous pensons que si vous nous donnez plus de liberté de choix, plus de
libertés économiques, la source principale de cette immigration
artificielle disparaîtra.
Pour vaincre l’immigration qui vous fait tant peur, brisez les enclos
dans lesquels sont enfermés les peuples d’Afrique esclaves de votre
générosité.
Un pays comme le Sénégal a perdu dans les mers plus d’hommes candidats
à l’immigration que la Côte d’Ivoire avec sa guerre ces cinq dernières
années.
L’immigration est aussi un fléau pour nous tant qu’elle sera organisée par votre Etat-providence.
Pour vaincre l’immigration, abandonnez les Etats-providence, abandonnez
les accords de coopération rétrogrades et étatistes.
Pour vaincre l’immigration, nous vous offrons la liberté économique.
Au lieu de l’Eurafrique, nous voulons la Librafrique.
Dans la mondialisation, nous savons que les économies nationales sont
en compétition. Nous envisagions aller en compétition avec ce que nous
avons. Si vous le voulez bien alors laissez nous faire.
Nous envisagions préciser les droits de
propriété de base sur nos terres et nos entreprises d’Etat et les
rendre aux entrepreneurs privés. Si vous voulez nous aider, alors
laissez nous faire.
Nous rêvons d’adopter des politiques macroéconomiques qui nous évitent
les humiliations du surendettement et des déficits budgétaires
insupportables. Si vous voulez le faire avec nous, alors laissez nous
faire.
Nous voulons arrêter de tourner
nos vues vers le passé. Nous voulons regarder l’avenir avec sérénité.
Pour cela, nous rêvons de politiques de croissance fondées sur une
épargne domestique capable de nous rendre aptes à financer nos besoins
d’investissements risqués. Pour cela, nous rêvons d’un système bancaire
moderne qui rompe avec la tradition protectionniste de contrôle des
changes et des banques centrales non indépendantes des zones CFA. Si
vous voulez nous aider, alors laissez nous faire.
Nous voulons plus de flexibilité sur nos marchés du travail. Si vous nous aimez, alors laissez nous faire.
Nous pensons que la lutte contre la corruption est primordiale mais
qu’elle ne peut réussir qu’en prenant de vigoureuses mesures et en
donnant des exemples qui ne mettent personne au-dessus du droit. Si
vous voyez ce que nous voulons dire, alors laissez nous faire.
Nous voulons que notre prospérité soit bâtie en amitié avec tous les
peuples du monde et sans exclusivité. Si vous pensez que le monde est
un village planétaire et que la mondialisation est beaucoup moins une
affaire d’Etat qu’une affaire de liberté d’échanges, alors laissez nous
faire.
Si vous voulez un véritable discours de rupture, monsieur le président
de la République française alors, en plus de définir la politique
africaine de la France, il vous faudra désormais intégrer la politique
française de l’Afrique.
C’est de la
rencontre des ces deux visions sous la contrainte de nos autres
relations que naîtra le monde meilleur souhaité par la jeunesse
africaine et pour lequel elle est prête à travailler avec toutes les
jeunesses du monde. Pour cela, il faut que vous nous laissiez faire.
Les libertés et les droits de l’homme ne se négocient pas. L’autodétermination des peuples est un droit.
Vous ne pouvez pas garder les démocraties pour vous et cultiver les autocraties chez nous. Arrêtez de le faire.
Le marché ne peut pas être pour l’Europe et les bureaucraties pour l’Afrique. Arrêtez de le concevoir.
Encore une fois merci d’être venu et d’avoir parlé comme vous avez parlé.
Votre discours avorté de rupture donne une occasion de rupture
effective à la Jeunesse d'Afrique si discourtoisement interpellée par
vous à Dakar le 26 juillet 2007. Vos désirs de rupture d'avec les vues
de vos prédécesseurs ne nous intéressent pas, d'autant qu'ils n'iront
jamais jusqu'à la remise en cause des fondamentaux de la traditionnelle
politique africaine de la France. Par contre, nous avons avec la
mondialisation l'occasion de rompre avec le modèle de coopération que
la France nous propose. Merci de nous avoir donné l’occasion de vous le
dire.
Parce que nous avons compris que, si pour le moment, la rupture, ce
n'est pas pour vous, nous vous indiquons que c'est avec vous, nouvelles
et anciennes élites françaises, que nous, jeunes d'Afrique, nous
rompons.
Mamadou Koulibaly, Président de l'Assemblée Nationale de Côte d'Ivoire
in Le Messager (Douala, Cameroun) le 06 août 2007